Elise Walter, journaliste: entre passion, projets, et conviction

Certainement l'interview la plus longue de ce blog emploi challenge. Mais devant tant de projets et d'envie impossible de couper quoi que ce soit. Elise Walter est journaliste. Intéressée par de multiples sujets, passionnée et ouverte, elle rêve de National Geographic ou d'Europe 1...longue interview avec une personnalité bouillonnante et atypique qui gagne vraiment à être lue et connue.

Peux -tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton parcours professionnel ?

Bien sûr ! Vous me posez la question à laquelle on s’attend toujours en entretien d’embauche et qui, pourtant, surprend.

J’ai vingt-sept ans, bientôt 28. Je suis aujourd’hui journaliste mais mon parcours est atypique. Après une agrégation de lettres modernes, j’aurais pu poursuivre dans une voie qui m’inspirait davantage que l’enseignement – fût-il en fac -  la recherche.

Mais un parcours professionnel se construit de rencontres où l’on se découvre des envies. Grâce à un réseau, j’ai saisi une opportunité différente pour travailler pendant plus de deux ans comme consultante dans un cabinet isérois d’ingénierie sociale. L’activité de ce cabinet est très riche et difficile à résumer ; aujourd’hui le principal de leur activité consiste en de la programmation architecturale. J’ai gardé le contact et comme ils semblent décidés aujourd’hui à monter un site web, je leur ai fait une proposition de présentation de leur activité.

Parallèlement à ce poste de consultante, j’ai voulu monter une association sous loi 1901 défendant des projets éditoriaux francophones en ligne. Je n’étais pas seule dans l’aventure et ce n’est que faute de budget que ce beau projet a dû en rester là.

Devenue parisienne, j’ai travaillé trois mois à l’agence R2A Multimédia comme consultante en communication, où, entre autres choses, j’ai eu la chance de participer à une mission qui nous avait été confiée par le Musée des arts et métiers de Paris.

Cependant, j’avais toujours été très admirative du travail qu’exerçaient les journalistes. De tous. De ceux qui vont sur un terrain dangereux en temps de guerre, les grands reporters, visibles à la télévision, comme de ceux moins visibles qui recueillent dans le respect le point de vue des habitants d’une commune.

« Informer », dans notre ère communicante où tout va très vite ; donner les bonnes les clefs, les bonnes entrées pour lire le monde au lectorat qui les sollicite, c’est vraiment une mission périlleuse. Périlleuse en elle-même. Chaque mot est un allié ou un ennemi qui vous éloigne de l’objectivité ou vous en rapproche. Dans mon travail, je m’engage tout en veillant à ne pas être partiale.

Donc aujourd’hui après un an de piges zélées pour sept magazines différents - presse d’actualité, de divertissement, presse internet et même presse sportive - j’ai un peu rattrapé mon retard sur les journalistes qui passent par le cursus : école de journalisme + stages. Mais si j’ai décroché ma carte de presse je n’ai pas encore d’emploi salarié au sein d’une rédaction. ça va venir …

Quelle est ta recherche aujourd’hui ?

Un CDI de journaliste dans une rédaction de qualité. Ça peut être très varié et axé sur des enquêtes société, des billets d’humeur, une rubrique culturelle, voyage, des papiers politiques. Et même une rubrique gastronomique et viniphilique. C’est peut-être mon « défaut », je bouillonne d’envies, d’idées, de projets, mais il faut que j’arrive à convaincre un recruteur que ce n’est absolument pas de la dispersion mais une polyvalence qui lui servira s’il investit sur moi !
Je peux aussi prendre un poste dans la presse corporate, print et en ligne, surtout si je crois en l’entreprise ou au groupe.

Autre piste qui m’intéresse, bien sûr : la communication. Un poste de concepteur-rédacteur dans une agence qui bouge. Pourquoi ? Pour le côté réactif, une idée à la seconde tout en restant pragmatique, et le rédactionnel accrocheur, professionnel et ludique que cela suppose.  Le moins ? Pas autant de contacts que dans le métier de journaliste. 

Tu as ouvert un blog. Depuis quand le tiens tu et pourquoi t’es tu lancé dans cette démarche ?

Depuis fin mars. Ça correspond au départ du chef de service rédactionnel avec lequel j’avais l’habitude de travailler le plus. J’avais beaucoup d’estime pour lui et c’était réciproque. A son départ, son poste m’a été proposé. J’ai choisi de décliner cette offre. J’avais vu à quel point lui, pourtant extrêmement compétent, avait dû lutter pour tenter de faire évoluer une ligne éditoriale racoleuse, et à quel point il en était sorti usé au point de donner sa démission. Je n’ai pas fait le choix d’une relative sécurité, j’ai préféré me mettre dans une position plus fragile mais qui me permettrait de trouver un poste plus en cohérence avec mes objectifs. Cette décision et ses conséquences m’ont valu un accrochage avec mon Directeur des Rédactions, mais après un dialogue très sain nous sommes à nouveau dans de bons termes. Aujourd’hui, je n’ai conservé de « fixe » qu’une chronique libre dans un nouveau gratuit à grand tirage, Le Golf. Ça parle de Golf et en même temps, ça n’en parle pas. J’aime la liberté que j’ai dans cette chronique.

Pourquoi un blog ? Parce que je voulais un espace d’expression et d’expression rédactionnelle. Qu’est-ce qu’un journaliste de la presse écrite en recherche d’emploi s’il ne peut s’exprimer ? C’est sur un papier que l’on se fait le mieux l’idée de ce que peut apporter un journaliste. A ce propos, je remercie cadresonline. Car sa blogosphère qui rassemble des cadres au chômage en fait une blogosphère particulière, à la fois solidaire et riche en informations très variés ; puisque, si nous avons tous pour point commun de rechercher un emploi stable, nous avons également tous des parcours et personnalités différentes qui se complètent bien. On finit par se connaître, s’apprécier et l’on progresse ensemble. C’est motivant.

Tu as une ligne éditoriale précise ? De quoi parles tu ? Comment procèdes-tu ?

Je parle de tout ! De tout ce qui, dans l’actualité, m’interpelle, m’intéresse et m’invite à réagir. Bien sûr, c’est subjectif. Au final, je parle de tout sauf de ma recherche d’emploi…Non, je parle bien sûr de ma recherche d’emploi mais rarement de façon frontale. Je pars du principe que postulant pour un poste qui met en avant une plume et un raisonnement, toute note documentée et travaillée devient une possible lettre de motivation.  D’ailleurs si j’ai mis en ligne une « lettre de motivation » elle consiste surtout à justifier l’engagement de mes notes. Mon but n’est pas de braquer le lecteur mais, sans doute, que ça peut arriver ; j’ai déjà pris le risque d’un titre de blog qui pouvait fortement déplaire. Donc j’essaie de parler de tout et également de l’actualité politique et n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat parce que j’essaie de le faire d’une manière constructive. Si l’on peut deviner ma couleur politique, je ne cherche surtout pas à enrôler, ce que je défends sur ce blog, c’est l’esprit critique.

Que t’a amené ton blog jusqu’à présent (contact, réseau, rompre l’isolement, échanges, aidé à formuler ton projet….).

Tout ça à la fois. Il règne dans cette blogosphère une atmosphère d’entraide dynamique.
Chercher un emploi n’est pas une phase facile, c’est intrinsèquement désociabilisant, sauf à être en réseau. Et ce qui est important, et c’est aussi pour ça que cela fonctionne, c’est parce qu’au fond, nous ne sommes pas en concurrence. Et ce, même à  profil de poste recherché semblable. Nous sommes tous forts de talents différents les uns des autres. Chaque recruteur peut s’y retrouver s’il a du temps à consacrer à la lecture de blogs. C’est tellement plus expressif que les rituels lettre de motivation suivi du CV sous word. Ce qui en nous empêche pas d’en envoyer plusieurs par jour !

Parfois aussi des internautes n’appartenant pas à cette blogosphère orientée emploi, participent et apportent un sang neuf au débat. J’ai toujours soif de dialogue, alors je ne vais pas me plaindre de cette extension sereine de la blogosphère. Mais c’est aussi son « intimité » qui en fait l’unicité et la chaleur.

Ce blog a insufflé de l’optimisme à ma recherche d’emploi. Aujourd’hui, je ne pense pas en termes négatifs ma recherche d’emploi, je pense plutôt en terme d’ouverture et en terme d’incroyable chance ; ou comment provoquer le coup de chance en étant visible et entrer au sein d’une entreprise à laquelle on n’osait rêver.

Et quelles sont les principales difficultés que tu as rencontrées au départ ? Et aujourd’hui ?

Aucune difficulté dans la création de ce blog. Sur le plan technique, la plateforme est très bien faite. La seule difficulté que je rencontre parfois aujourd’hui consiste à écarter des individus qui se servent d’internet pour exprimer leur « côté obscur ». Mais là encore le site permet de faire barrage aux indésirables.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer également ?

De le faire et de se fier à ce qu’il a envie d’écrire. Un blog, quand bien même défend-il une recherche d’emploi, reste un carnet personnel, une entreprise subjective. S’il a envie d’écrire une note sur sa passion pour les éditions anciennes ou de décrire un concert des Stones, de Radiohead, ou même une anecdote, par exemple le cours sur les tortues de mer que lui a fait un haut responsable chinois, qu’il le fasse. Sur un blog, on réfléchit en terme d’envies. D’envies de partager bien sûr, pas en terme de calculs. Pas en termes de : est-ce que si j’écris ça je vais plaire à un recruteur ? Evidemment, il ne s’agit pas d’écrire : « j’ai bu un verre de jus d’orange ce matin… », sauf si vous êtes le créateur du packaging, de la centrifuge ou avez interviewé un agriculteur espagnol ! 

Imagines que tu tires une « carte chance professionnelle » : le travail de tes rêves, avec le rôle que tu désires, dans le contexte que tu aimes, dans le secteur qui t’attire…celui que tu ne quitterais pour rien au monde. Racontes nous à quoi tout cela ressemblerait.

A ce jeu de tarot, je vous répondrai : collaborer à une grande rédaction nationale ou internationale et encadrer une rubrique dans une revue telle que National Geographic, Geo, ou encore travailler à la rédaction du Monde Diplomatique. Et pourquoi se limiter à la presse écrite, il peut s’agir des radios du service public, d’animer une émission sur Europe 1 ou encore sur une chaînes de télé. Mais ce n’est peut-être pas complètement du rêve, j’ai déjà envoyé un projet de rubrique à la rédactrice en chef adjointe de GEO, inspirée par une rubrique existant sur mon blog. Il manque en effet une rubrique « Geosaveurs » au magazine GEO. Une rubrique qui permettrait au lecteur de parcourir le monde autrement, de découvrir des régions de France et du monde fortes, par un biais sensuel. Ce ne serait pas une banale rubrique cuisine avec une recette et sa préparation mais une vraie fenêtre sur une terre, avec en perspective l’échange entre les cultures et la transmission des générations. Le magazine gagnerait ainsi, en chiffres de vente, une partie du lectorat féminin (l’un des rares secteurs de la presse dont la santé de ne se dément pas) sans renier ce qui fait la force de leur ligne éditoriale, bien au contraire ! Autre possibilité, être la responsable de la communication du Musée de l’Homme, et pourquoi pas, du Musée Branly ! Ou travailler à l’Unesco ?...Quand on rêve, pourquoi rêver modeste !

Un dernier mot à l’adresse des recruteurs ?

Oui. J’attends deux réponses pour des postes de journaliste coordonnateur, dont un dans le photojournalisme. L’un de mes loisirs est en effet la photo. Mais bien avant cela, j’ai rencontré le directeur d’une agence de communication RH (rien à voir avec le National Geographic) pour un poste de concepteur-rédacteur. Il avait été séduit par mon atypicité, un dialogue s’était rapidement noué. Il me confia qu’il hésitait à prendre un risque, préférant le confort d’un CV avec la mention d’expériences semblables, (ce que je peux comprendre) ; poursuivant que s’il appartenait pourtant à un groupe américain qui prenait plus de risques dans son recrutement, préférant investir dans le potentiel et la polyvalence plutôt que dans le conservatisme, lui était pris entre deux feux. Donc, si j’ai un message à faire passer, c’est celui-ci : donnez une chance à la polyvalence et à l’atypicité. Plus vous prenez un candidat qui démontre son envie et sa capacité à s’investir dans des choses différentes, plus vous préparez l’avenir de votre entreprise dans un monde économique sans cesse en évolution. L’éclectisme d’un parcours, l’éclectisme de centres d’intérêts, la diversité n’est pas la disparité, elle permet au contraire d’être réactif, d’anticiper le marché avant vos concurrents. Mon portable vous est ouvert…

Merci Elise pour la richesse de cette interview.

 

Retrouvez Elise sur son blog:http://emkw.blogemploi.com/